Gasville-Oisème, c'est toute une histoire
Patrimoine
-Publié le 26/02/2024
Chaque mois, focus sur une commune de l'agglomération, en suivant l'ordre alphabétique. Découvrez son patrimoine, son histoire, sa mémoire… de Gasville-Oisème.
Le château du Goulet
Le manoir à l'architecture épurée, entouré de verdure en contrebas du coteau et fermé par une belle grille de ferronnerie, date du début du XIXe siècle. Vers 1849, il est acquis par le peintre Camille Marcille, fils d'un riche négociant en grains, passionné d'art, qui s'y installe bientôt avec son épouse. Il y présente une collection héritée de son père, réputée parmi les plus riches de France. On y trouve des centaines de peintures du XVIIIe siècle, signées des plus talentueux artistes que Marcille, nommé conservateur du musée de Chartres en 1862, contribue d'ailleurs à faire (re)connaître : Fragonard, Boucher, Greuze... Il travaille dans un atelier qu'il fait édifier en surplomb du reste des bâtiments, où il meurt subitement en 1875. C'est aujourd'hui une propriété privée.
Témoignage
Au XIXe siècle, sont invités au château des personnalités du monde artistique et littéraire qui apprécient follement ces courts séjours « à la campagne » comme Eugène Scribe, mais aussi les frères Jules et Edmond de Goncourt, qui ont laissé dans leur fameux journal « à quatre mains » de nombreuses impressions fugitives sur une demeure « dont on s'en va avec quelque chose de doucement remué en soi » : ainsi l'« amusante ribambelle des petites bottines » appartenant aux quatre fillettes du couple – Juliette, Jeanne, Clémentine et Marguerite - « jolis petits anges fous, et déjà un peu femmes (…) qui se frottent coquettement à vous, avec des gentillesses de chattes ».
L'église de Gasville
Entièrement rebâtie, y compris le clocher latéral, en 1547, elle comprend un beau portail flamboyant en accolade. Des pierres tombales anciennes sont visibles sur le dallage (dont celle de Geoffroy Poullin – 1657). L'intérieur est décoré d'importantes boiseries de style néo-gothique (XIXe siècle). Une grande fresque du jugement dernier, sur le mur de façade, est due à Camille Marcille.
Le viaduc de Oisème
Construit entre 1907 et 1913 par les chemins de fer de l'État pour la nouvelle ligne Chartres-Gallardon-Paris, cet ouvrage d'art, entièrement en pierre, comprend seize arches qui s'élèvent à plus de 23 mètres au-dessus du fond de vallée. Il marque l'identité visuelle de Oisème. Son bombardement en 1944 (plusieurs arches, aisément repérables, ont été rétablies à voie unique au lieu de deux voies) causa la mort de 13 personnes. La ligne ne fut ouverte aux voyageurs que dix ans (1929-1939). Son dernier tronçon de fret a fermé en 2007.
Les fontaines
À proximité de la Roguenette, on trouve plusieurs sources naturelles. Au sud, en bordure de bois, la « fontaine de Gallardon » a des origines anciennes, où affleure la légende. Une deuxième, au nord de Oisème, s'écoule dans un bassin bordé de pierres. Près du croisement avec la rue de Chartres, une troisième alimente un pittoresque lavoir situé en contrebas de la route et comprenant deux toits en appentis. Des piliers de pierre y sont probablement des réemplois de l'ancien prieuré de la Madeleine.
Mais aussi...
Les bâtiments de la mairie et de l'école (1886) ; les belles maisons bourgeoises (fin XIXe) ; les calvaires (deux sont en fer forgé) au croisement des routes et chemins ; les pittoresques sentiers de randonnées, au bord du ruisseau, à Bois-Paris (sud) et à la Grande-vallée (nord)…
Le saviez-vous ?
L'ancienne paroisse de Gasville, devenue territoire communal, comprenait depuis le haut Moyen-Âge trois lieux d'habitation :
- le village de Gasville, sur le plateau, regroupé autour de l'église ;
- Oisème, construit le long de la Roguenette à proximité du prieuré de la Madeleine, dépendant de l'abbaye de Thiron et aujourd'hui disparu ;
- Cout(t)es, sur le même cours d'eau, autour d'un château. La ferme seigneuriale, avec son colombier, y était encore visible en 1893.
Mémoire(s) : sous le pinceau des plus grands paysagistes français !
Marcille avait invité à Oisème certaines de ces connaissances parisiennes, Ingres et Courbet, mais aussi son homonyme, Camille Corot, qui s'est imposé comme le principal rénovateur du paysage, inspiré par la réminiscence des émotions. Il y réalise une huile sur toile (vers 1860) dont on ignore la localisation actuelle. Henri Harpignies, également très estimé de ses contempo - rains et qui s'inscrit dans la lignée de Corot, continue de fréquenter le hameau : on conserve de lui plusieurs aquarelles pleines de sensibilité (1888).
Son ami peintre et photographe Paul Marcellin Berthier y achète une maison où Eugène Boudin fait plusieurs séjours (1888, 1891, 1893). Ce précurseur de l'impressionnisme, à la touche vibrante, surtout connu pour ses bords de mer nuageux, y réalise au moins six œuvres de petit format, qui baignent dans une puissante lumière estivale : il y suggère à merveille l'ambiance des rues terreuses, les maisons paysannes et les prairies qui bordent le ruisseau (aujourd'hui Bruxelles, Toronto, collections particulières).
En 1934, c'est le fauve Chaïm Soutine qui peint à deux reprises une maison de Oisème, déformée par sa vision, aux couleurs violemment contrastées.