Le chant médiéval retrouvé
Patrimoine
-Publié le 23/04/2024
Habitant de Jouy, Matthias Bry est spécialisé dans la recherche et l'analyse du chant grégorien. Il apporte son talent et ses connaissances, en tant que bénévole, au projet européen Repertorium, qui a pour but de créer des outils d'intelligence artificielle pour sauvegarder les racines musicales occidentales.
Matthias Bry, 32 ans, est ingénieur à Paris. Il profite de ses trajets ferroviaires quotidiens pour s'adonner à ses recherches de mise au jour du chant grégorien. « Les premières compositions grégoriennes datent du début de la dynastie des Carolingiens au VIIIe siècle, explique le jeune homme passionné. C'est un chant latin qui sert de langage à la liturgie chrétienne occidentale, c'est-à-dire lors des huit offices qui ponctuent la journée, et des messes. Pendant des siècles, la liturgie n'était pas parlée mais chantée. »
S'il n'est plongé dans les sources médiévales que depuis trois ans, Matthias chante du grégorien depuis une quinzaine d'années. « Le chant grégorien est traditionnel en ce sens qu'il est transmis oralement : les partitions n'indiquent pas tout. Cette transmission a été perturbée en France pendant la Révolution, mais il a continué à être composé jusque dans les années 1950, notamment pour chanter les mérites d'un nouveau saint lors de sa canonisation. Aujourd'hui, il est surtout chanté lors de la messe en latin qui se fait dans certaines paroisses. » Les partitions anciennes se classent en deux familles de notation. La première ressemble beaucoup à la notation d'aujourd'hui. La gamme y est la même, mais les notes, au lieu d'être rondes, sont carrées. La deuxième notation est appelée neumatique. « Ce sont des signes qui indiquent au chef de chœur les mouvements qu'il doit effectuer avec la main pour guider le ou les chanteurs. S'il existe des documents indiquant la correspondance de certains de ces signes en caractères carrés, nous n'avons pas la signification précise de nombre d'entre eux. »
L'IA sauvegarde la tradition
C'est là qu'intervient le projet Repertorium, financé par l'Union européenne. Il développe des modules d'intelligence artificielle capables de relier numériquement aux bases de données et aux archives existantes des partitions perdues durant plusieurs siècles et enfin retrouvées, pour atteindre un total d'environ deux millions de chants liés les uns aux autres. « L'IA va nous permettre de comprendre ces signes en balayant beaucoup de manuscrits précis, de les comparer et de créer une partition utilisable. Le but est de continuer à chanter ces chants d'autrefois dans la liturgie. »
Matthias Bry compte parmi la vingtaine de bénévole au monde qui travaille au décryptage et à la transcription des partitions neumatiques. « Ma contribution est donc de définir informatiquement le langage dans lequel on traduit la partition. »
Le chant grégorien l'a aussi amené à diriger le chœur de Saint-Aignan, à Chartres. En chercheur passionné qui se respecte, Matthias œuvre pour que l'office des matines ne tombe pas dans l'oubli. « C'est un office nocturne, vers trois heures du matin, qui dure plus d'une heure. Alors il n'est célébré presque nulle part. » Pour ce faire, il a rédigé trois ouvrages, fruits de ces travaux, composés des lectures, psaumes, hymnes et pièces ornées (où une même syllabe est chantée sur plusieurs notes), spécifiques aux matines.