« L’attractivité de notre territoire se construit chaque jour. »

Votre Agglo

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Publié le 10/01/2025

Jean-Pierre Gorges, président de Chartres métropole

Comment se présente l’année 2025 pour Chartres métropole ? Une question majeure sur fond de crise politique, sociale et peut-être économique pour le pays, surendetté et sans budget pour l’heure. Jean-Pierre Gorges nous explique qu’à l’inverse, Chartres métropole poursuivra la mise en œuvre de son projet. Pour une agglomération qui se développe, investit, est capable de rembourser ses dettes, reste solidaire et toujours plus attractive.


Votre Agglo : Comment regardez-vous le contexte national d’aujourd’hui ?

Jean-Pierre Gorges : Comme beaucoup de Français, je vois avec tristesse un pays et son État sans projet. Nos gouvernants, et cela ne date pas d’hier, avancent l’un après l’autre une somme de solutions possibles, mais on n’en voit ni le sens ni la cohérence. Comme s’ils ne faisaient que se positionner en réaction devant ce qu’ils subissent. On a l’impression que depuis la disparition de Georges Pompidou, ce pays a cessé d’investir et d’innover. À l’inverse, nous développons ici depuis 2001 un projet cohérent qui produit des résultats. Il suffit de comparer les photos du Jardin d’entreprises d’alors, il était vide, et celles d’aujourd’hui, où il déborde.

VA : Certes, mais l’Agglomération chartraine n’est pas une île ?

JPG : Les problèmes du pays ne datent pas d’hier, et pourtant nous avons réussi à nous développer. Et ce développement continue : les investissements très importants annoncés par les entreprises (environ 3 milliards d’euros) sont lancés et ne s’arrêteront pas. J’ai l’habitude de dire que l’important n’est pas ce qui va nous arriver mais ce que nous allons décider de faire ensemble. En 2001, l’Agglo venait de naître. Elle était limitée aux 7 communes de la zone urbaine, environnée d’autres communautés de communes qui entretenaient avec elle un climat marqué par la méfiance, voire l’opposition. Son Conseil communautaire était sans majorité réelle, miné par les querelles politiques, sans projet fédérateur. Pensez que la première décision que nous avons prise, c’était de stopper la construction des médiathèques, une par commune. Une décision unanime face à ce qu’on appellerait aujourd’hui le « choc des réalités ». Nos structures administratives ne collaient pas à la réalité de notre bassin de vie, à la réalité de la vie de ses habitants.

Nous développons ici depuis 2001 un projet cohérent qui produit des résultats.

VA : L’attractivité, votre maître-mot aujourd’hui, comment l’avez-vous construite ?

JPG : À partir de quelques idées simples. La première - et le développement économique est et reste la première compétence obligatoire d’une intercommunalité - c’est qu’on ne peut pas redistribuer des richesses que l’on n’a pas préalablement produites. La deuxième, c’est qu’il était vain de chercher à attirer à coups de subventions des entreprises venues d’ailleurs si l’on ne s’occupait pas d’abord des entreprises d’ici. Nous avons donc fait le choix du développement « endogène », et nous avons accordé d’abord toute notre attention à nos entreprises locales. La troisième enfin, c’est que le développement ne peut pas se faire sans les habitants ou contre eux, celui de la zone urbaine contre ou sans les villages, celui des usines sans le logement, etc. Nous avons donc construit notre premier Schéma de cohérence territoriale (SCoT) qui tentait d’organiser notre développement prévisible dans tous les domaines. Nous aurions pu choisir de le fonder sur un taux de croissance hypothétique. Mais non, nous l’avons construit à partir de la démographie et de la sociologie. À partir des gens et d’un équilibre né de l’histoire entre la ville et la campagne. Ce SCoT, nous l’avons adapté depuis tous les 5 ans. Et pour revenir aux entreprises, nous leur avons adressé un message clair, qui n’a jamais varié : voici les règles du jeu, y compris fiscales. Elles vaudront pour la durée du mandat. Et notre priorité ira désormais aux dépenses d’investissement et non plus au fonctionnement. Et nous allons donc réorganiser nos services en conséquence. Vous observerez que ce sont bien les entreprises d’ici qui ont réalisé, et réalisent encore aujourd’hui, la majeure partie des investissements considérables qui frappent l’opinion. Alors que les délocalisations sont depuis plus de vingt ans le phénomène majeur de l’appauvrissement industriel français.

Nous avons fait le choix du développement « endogène », en accordant d’abord notre attention à nos entreprises locales.

VA : En 25 ans, l’Agglo a changé de dimension. Comment avez-vous convaincu les entreprises, les habitants et leurs élus ?

JPG : Il existait déjà des structures, comme le Syndicat Mixte d’Études et de Programmation (SMEP) qui rassemblait les élus de 39 communes mais sans réel impact. Ce syndicat avait pourtant le mérite de rassembler les élus d’un même bassin de vie, d’un vivre ensemble concret, quotidien. Après, les débuts n’ont pas été faciles, car les gens ne vous accordent leur confiance que lorsqu’ils voient les choses se réaliser. Alors les chefs d’entreprises voient que cela apporte de l’activité à leurs sociétés et du travail à leur personnel, qui sont aussi les habitants. Quand la Ville-centre réalise le grand parking promis et que l’Agglomération construit l’Odyssée - qui marque un véritable changement d’époque au-delà du remplacement des anciennes piscines - vos discours sur la priorité accordée à l’investissement revêtent une réalité concrète. Quand l’Agglo accorde la gratuité des transports publics à des milliers de scolaires et de jeunes, ce sont leurs familles qui voient leur pouvoir d’achat conforté, et autour de l’Agglomération, les habitants vont inciter leurs élus à rejoindre Chartres métropole. C’est leur intérêt évident. Je me suis rendu dans chaque commune candidate pour expliquer nos règles du jeu, mais je n’ai jamais eu besoin de les démarcher. Tous avaient envie aussi de bénéficier des tarifs préférentiels réservés aux habitants de l’Agglo pour profiter de l’Odyssée.

L’élargissement de Chartres métropole jusqu’aux 66 communes d’aujourd’hui a eu un autre mérite : elle a permis au Conseil communautaire de dépasser les querelles partisanes et idéologiques qui le divisaient dans sa première composition restreinte. Les projets passaient enfin avant les partis. Parallèlement, convaincus par nos premières réalisations, les chefs d’entreprises ont retrouvé le goût d’investir dans un bassin de vie qui avançait de nouveau. Ce cercle vertueux est allé croissant, et nous avons pu financer la réalisation des grands équipements qui nous manquaient. Le projet du Pôle Gare, et donc celui du Colisée, date de 2005. C’est toute une dynamique qui s’est mise en mouvement et l’élargissement de l’Agglomération n’a pas été la cause mais bien la conséquence de tout cela. Les habitants et leurs élus ont simplement répondu positivement à la seule question qui vaille : avec qui vivons-nous ? L’attractivité, c’est aussi une dynamique démocratique. Les habitants engagent leurs élus à se lancer dans un pari positif : regroupons-nous pour faire ensemble ce que nous n’avons pas ou plus les moyens de faire seuls.

VA : Pourtant en France, les intercommunalités n’ont pas toujours bonne presse ?

JPG : Les fusions de communes non plus. Le développement économique et les nouveaux grands équipements ont aussi pour effet de lutter contre ces forces centrifuges. Mais ce sont la démocratie et la solidarité qui permettent d’y résister. Nous avons notre Constitution, au-delà des compétences obligatoires prévues par la Loi. Toutes les autres compétences, dites optionnelles, ont été décidées et votées en commun. De même, les maires ont très vite compris que nous ne voulions pas étrangler les communes, ni même les dominer. Chartres métropole a créé et fait fonctionner son Conseil des Maires bien avant que la Loi n’oblige les intercommunalités françaises à créer un Comité des Maires dans chaque intercommunalité. Et notre Comité fonctionne à plein. Tous les projets lui sont présentés avant d’être proposés au vote du Conseil communautaire. Au Comité, chaque maire dispose d’une voix d’une égale dignité. Et au-delà des institutions, notre petite démocratie locale repose sur une solidarité réelle. Les produits de notre développement économique servent aussi à financer la capacité des communes à continuer d’investir, quand un peu partout en France elles n’en ont plus les moyens. L’Attribution de Compensation, la Dotation de Solidarité Communautaire et les Fonds de Concours - réservés aux communes rurales et périurbaines - ne sont pas, sauf la première, obligatoires au regard de la Loi. L’attractivité ne s’organise pas seulement vis-à-vis de l’extérieur de l’Agglo, elle se conforte aussi au jour le jour entre les communes-membres et l’exécutif de Chartres métropole. C’est tout un écosystème de financements, de conseils techniques, de relations et d’échanges entre élus qui vit tout au long de l’année.

Quand l’Agglo accorde la gratuité des transports à des milliers de scolaires et de jeunes, les familles voient leur pouvoir d’achat conforté. Et autour de l’Agglomération, les habitants incitent leurs élus à rejoindre Chartres métropole.

VA : On a l’impression que votre discours sur l’attractivité s’est également élargi depuis vos premières années de mandat ?

JPG : Tout organisme vivant évolue ou meurt. Au début des années 2000, la concurrence entre les agglomérations pour attirer les entreprises et leurs emplois se focalisait principalement sur des données fiscales : pour résumer, quel est le montant du taux de votre taxe professionnelle par rapport à celle de vos voisins ? Et puis, la problématique du recrutement a élargi les champs des exigences et des priorités : avez-vous suffisamment de logements de toutes sortes ? Disposez-vous des équipements culturels et sportifs qui puissent répondre à la demande des salariés que nous voulons recruter et faire venir chez vous ? Disposez-vous d’un cinéma moderne et accessible ? D’un ou plusieurs théâtres ? D’une salle de spectacles culturels et sportifs ? Plus récemment, et c’est essentiel, que valent vos hôpitaux publics et privés ? Je n’oublie pas non plus la dimension écologique : le Plan Vert le long de l’Eure, nous l’avons initié dès 2001 en compagnie du regretté Étienne Bordet. Nous avons aussi préservé les prairies humides qui permettent non seulement de sauvegarder la biodiversité mais qui sont aussi, et peut-être surtout, des éponges naturelles efficaces et notre meilleur rempart contre les dégâts des crues dues à des pluies excessives. Tout cela pour vous dire que l’attractivité se décline aujourd’hui dans tous les domaines qui font la qualité de la vie des habitants et de ceux qui viennent s’installer chez nous. C’est cette problématique tous azimuts qui explique que Chartres métropole se soit progressivement doté des structures et des équipements dans des domaines plus nombreux : de l’eau aux énergies en passant par les transports, le numérique, et jusqu’à l’éclairage public, etc. Ces compétences nouvelles, nous les avons décidées ensemble.

VA : Vos objectifs particuliers pour 2025 ?

JPG : Ce contexte financier incertain que nous subissons en France, nous l’avons anticipé depuis une bonne dizaine d’années. Alors député, membre de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale, j’ai bien vu que les difficultés financières de l’État conduisaient durablement et inexorablement à la raréfaction des ressources allouées par celui-ci aux collectivités locales et territoriales. Si nous ne pouvons pas viser l’autonomie fiscale, nous pouvons construire notre autonomie financière. Pendant des années, nous avons confié la mise en œuvre de nos services publics à de grands groupes qui l’exerçaient par délégation. Ils en rapatriaient évidemment les bénéfices à leur siège et à leurs actionnaires. Puis un règlement européen nous a permis de créer nos propres entreprises locales, dont nous étions nous-mêmes les actionnaires. Cela nous permettait aussi de bénéficier de la souplesse et de l’efficacité de la gestion privée tout en gardant la maîtrise de la stratégie et des objectifs. Et c’est nous, les actionnaires publics, parfois associés à des partenaires privés, qui pouvions conserver le bénéfice d’une gestion excédentaire. On en comprend aisément l’avantage. Ce système se répand aujourd’hui largement. Et ce n’est pas fini, ce qui veut dire que nous sauvegardons aussi notre capacité à investir, et donc à rester attractifs.

Notre petite démocratie locale repose sur une solidarité réelle.

Par ailleurs, l’entrée en service de la première ligne du Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) va changer le visage des transports publics dans la zone urbaine. Ce n’est pas pour autant que nous allons y interdire l’usage des voitures plus anciennes façon Crit’Air 3, cette illustration caricaturale de la fausse écologie, quand elle devient punitive et tourne presque au mépris de classe. Dans l’expression « transition écologique », le mot transition est aussi important que l’autre. Je crois à l’adaptation, à l’expérimentation, à l’usage raisonné de la nature. À la géothermie plus qu’aux moulins à vent ! Et l’on voit bien dans le contexte national et international combien la question des énergies est redevenue un facteur majeur de l’attractivité économique. L’année 2025 verra aussi la montée en puissance de l’exploitation du Colisée et de l’Illiade, deux moteurs d’attractivité au-delà même des limites de l’Agglomération. Enfin, le développement économique de l’Agglomération nous invite évidemment, recrutements et arrivées obligent, à nous pencher plus attentivement encore sur les questions du logement et de la formation supérieure professionnelle, technique ou scientifique. Vous voyez que les sujets ne manquent pas, et que l’attractivité de notre territoire se construit jour après jour...

 

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