Chartres métropole « Territoire engagé pour la Nature » : la reconnaissance d'une stratégie d'harmonie
Plan vert, Biodiversité
-Publié le 14/04/2025

L'Agence Régionale de la Biodiversité vient de reconnaître à nouveau Chartres métropole comme « Territoire Engagé pour la Nature » (TEN). Lancé en 2019 par le Ministère de la Transition Écologique et l'Association des Régions de France, ce dispositif est attribué à des collectivités volontaires qui présentent un plan triennal d'actions concrètes en faveur de la biodiversité. Les commentaires de Jean-Pierre Gorges.
Votre Agglo : Comment appréciez-vous cette reconnaissance accordée par la Région Centre-Val de Loire ?
Jean-Pierre Gorges : C'est toujours une satisfaction de voir reconnue la stratégie de Chartres métropole en matière de biodiversité. Et surtout son action. Et encore davantage ce que nous allons faire au long du nouveau plan d'actions 2025/2027. C'est aussi une satisfaction personnelle, parce que j'adhère depuis longtemps à une association de pêche très active, presqu'activiste, de protection de l'eau vive des rivières. Et puis, permettez-moi un peu d'ironie : l'élu qui chapeaute l'Agence Régionale de la Biodiversité est également ici un de mes opposants politiques au quotidien. « Honni soit qui mal y pense », comme disent les Anglais ! Plus sérieusement, ce dispositif date de 2019. Or l'état de la nature et de la rivière sur notre territoire fait partie de nos priorités constantes depuis 2001. C'est alors que nous avons lancé le Plan Vert, qui s'allonge aujourd'hui sur 27 kilomètres le long de l'Eure. Il nous a fallu acquérir plus de 70 hectares, les aménager avec les dizaines de milliers d'arbres et d'arbustes que cela suppose de planter. Et nous sommes encore loin de l'objectif qui verra le parcours final dépasser les 50 kilomètres ! Et n'oublions pas les vallées de ses affluents, le Canal Louis XIV ou encore les Bois de Nogent-Le-Phaye.
L'état de la nature et de la rivière sur notre territoire fait partie de nos priorités constantes depuis 2001.
VA : « Et au milieu coule une rivière », c'est presque la définition de Chartres métropole, à vous entendre ?
JPG : Un surnom poétique, tout à fait. Mais aussi la réalité de la vie de cette agglomération. Une rivière, ce n'est pas seulement un miroir d'eau mouvant où l'on se mire. C'est le symbole même de la vie. Et je l'ai vécu un soir avec une réalité brutale, quand notre station d'épuration de Lèves a connu un grave dysfonctionnement, au point que nous avions préparé l'évacuation des habitants riverains. Aujourd'hui, la nouvelle station d'épuration représente toujours l'un des plus gros investissements réalisés par l'Agglo. Installée à Seresville, sur la commune de Mainvilliers, elle offre un outil ultra-moderne de traitement des eaux usées. J'en parlais encore récemment avec le maire de Lèves, puisqu'une partie de ces eaux usées retraitées pourrait alimenter le cours du Couesnon, ce ruisseau souvent à sec qui redeviendrait ainsi un lieu de biodiversité dans sa course vers l'Eure. Sans cette nouvelle station, il faut bien comprendre que le grand développement économique de l'agglo aurait été impossible. De même que son élargissement à d'autres communes, qui progressivement y raccordent leur réseau encore aujourd'hui.
VA : Une belle histoire et une réussite en somme ?
JPG : Le plus beau de l'histoire, c'est que nous arrivons aussi à brûler les boues résiduelles de la station d'épuration de Seresville dans notre usine voisine. Rien n'est perdu, tout se transforme, comme dit l'adage, et ici, tout se transforme en énergie. Et plus beau encore, l'ancien emplacement de la station d'épuration de Lèves est redevenu une prairie humide, et donc lieu de biodiversité par excellence, en plus de sa fonction de zone-tampon qui éponge à l'occasion une part des débordements de l'Eure. Enfin, pour les élus responsables que nous tâchons d'être, nous ne pourrons plus connaître les angoisses du soir que j'évoquais, puisque la nouvelle station est loin des habitants et loin de la rivière.
La biodiversité vaut mieux qu'un mot-valise pour slogan de manifs ! C'est un travail d'ensemble, quotidien, à moyen terme.
VA : L'autre sujet, c'est qu'une rivière, ça s'entretient ?
JPG : Là aussi il a fallu convaincre. Pour libérer le cours de la rivière de tous les obstacles artificiels, mais jadis utiles, accumulés au long de l'Histoire. On l'a fait officiellement pour que les poissons puissent remonter librement le cours de la rivière. Ensuite, l'Agglo a fait mieux encore en débarrassant chaque année l'Eure des branchages et des herbes qui l'encombrent. Et nous avons réalisé ces « faucardages » en dehors des périodes de reproduction des poissons, ce qui là encore n'arrangeait pas tout le monde… Mais cette libération du cours de l'Eure a aussi produit des effets bénéfiques : l'hiver dernier, les crues de l'Eure ont épargné certains quartiers de Chartres souvent touchés par le passé. Cette préservation des prairies humides est nécessaire et permanente. Regardez aussi à Luisant. Quand la prévention des risques fonctionne, c'est tout de même plus satisfaisant que la réparation des dégâts. Anticiper… comme toujours. Il ne s'agit pas seulement de mieux connaître la faune et la flore remarquables. Même si cette œuvre de connaissance et d'éducation reste indispensable. Elle permet aussi de mieux faire accepter certaines contraintes « naturelles » sans qu'il soit besoin de verser dans l'idéologie ou les prophéties apocalyptiques. J'observe d'ailleurs qu'on ne parle plus de « réchauffement climatique » mais de « dérèglement climatique ». Ce qui m'intéresse, c'est comment nous nous organisons pour nous adapter au mieux à toutes les éventualités, sécheresses ou pluies très abondantes. Mon problème, c'est comment fournir la meilleure eau potable possible à tout le monde, comment acheminer les eaux pluviales, comment traiter les eaux usées, etc. Heureusement, nombre de nos maires sont aussi des agriculteurs. Pour eux la question de l'eau est concrète au quotidien. Eux aussi doivent s'adapter. Ils ont commencé à le faire. Et c'est toujours vrai quand ils coiffent leur casquette de maire.
VA : On sent que ces débats idéologiques vous ennuient ?
JPG : Ils sont inutiles, artificiels. Un arbre, s'il est malade ou si ses racines cassent les réseaux en sous-sol, il faut le couper. Surtout quand on en replante partout par ailleurs. En ville, et aussi à la campagne où nous aidons à replanter des haies. La biodiversité vaut mieux qu'un mot-valise pour slogan de manifs ! C'est un travail d'ensemble, quotidien, à moyen terme, même si j'ai compris depuis longtemps que nous vivons dans une société majoritairement urbaine, de l'immédiat, du « tout, tout de suite, tout le temps » ! On déclenche des polémiques pour trois arbres. Mais c'est l'ensemble qu'il faut regarder. Par moment j'ai l'impression que ces gens-là regardent le monde à travers des jumelles utilisées à l'envers. Si avec la commune de Lèves nous agrandissons l'espace du Rigeard pour en faire un parc dédié à la biodiversité, c'est d'abord pour les habitants. Et nous le pensons à cet endroit parce qu'il s'inscrit aussi dans le Plan Vert, et profitera donc à tous ceux qui le parcourent. Nous avons parlé de l'Eure, notre Trame Bleue. Nous avons parlé du Plan Vert, notre Trame Verte. Et nous développons notre Trame Nuit, cet aménagement de l'éclairage public qui s'accorde mieux à la vie de la faune nocturne. Mais non ! Avec certains extrémistes, vous pouvez leur montrer la lune, ils stigmatiseront le doigt !
Ici, tout le monde a le choix entre vivre en ville et habiter la campagne. Le choix ! Et cet équilibre, nous y veillons.
VA : Comment trouver, préserver l'équilibre ?
JPG : Ici, tout le monde a le choix entre vivre en ville et habiter la campagne. Le choix ! Et cet équilibre, nous y veillons. Il est écrit noir sur blanc dans nos chartes, comme notre Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT). Il est réalisé dans les faits. Personne ne songe à contester la réalité du développement économique sur notre territoire. Mais toutes ces entreprises, avec leurs richesses et leurs emplois, se sont installées ou agrandies ici sans artificialiser de sols supplémentaires. Nous avons réutilisé toutes les friches urbaines. Nous n'avons pas eu besoin de label ou de reconnaissance pour cela. Et surtout, nous voulons laisser vivre les gens comme ils l'entendent. Ce n'est pas nous qui avons eu l'idée de créer la ségrégation sociale des Zones à Faible Émission (ZFE). Alors nous continuons à accompagner les communes, à travers des inventaires qui leur permettent de mieux connaître leur biodiversité locale. À leur rythme et à celui de leurs habitants. À leur demande, nous apportons conseils et assistance technique, pour leurs projets d'urbanisation et d'aménagement. Dans le même temps, nous développons notre stratégie d'investissement dans des énergies propres et naturelles, comme la biomasse et la géothermie. Nous prenons dans la nature ce qu'elle nous offre. Nous lui rendons une attention et des soins de jardinier. Nous n'opposons pas l'homme à la nature. L'homme fait partie de la nature. Toute la question est de faire de cette cœxistence une réalité la plus harmonieuse possible.