L'humain au cœur du logement social
L'agglo
-Publié le 17/01/2024
Territoire
100 ans de C'Chartres habitat
C'Chartres habitat fête cette année ses 100 ans. À sa tête depuis 2001, son président Jean-Pierre Gorges rappelle les principes de justice sociale qui lui sont chers et ont conduit 23 années d'action. Une stratégie toujours à l'œuvre.
Votre Agglo : Comment regardez-vous l'histoire du logement social à Chartres ?
Jean-Pierre Gorges : En exact parallèle avec l'histoire de la ville et de ses habitants. En 1939, quand la Seconde Guerre mondiale commence il y a 85 ans, l'Office Municipal d'Habitations Bon Marché a dû limiter ses ambitions, quinze ans après sa création par Louis Hubert, maire de la ville au milieu des années 20. L'Office ne gère en effet que 71 maisons, dont un bon tiers encore en construction, le long des rues de l'Enfer et de la Croix-Blanche, dans ce que nous appelons aujourd'hui le quartier des Comtesses. Il est vrai que l'argent manque, la France subissant de plein fouet les effets de la crise financière mondiale de 1929. L'Office est tout de même propriétaire d'un terrain, cédé par la Ville, rue des Perriers.
En 1945, tout ou presque reste à faire. Après la guerre, les premiers projets intéressants deviennent réalité, en commençant par Rechèvres puis Bel Air, et à nouveau Rechèvres pour les 200 maisons de la Cité Jardin du même nom.
En 1953, l'Office gère seulement 183 logements mais, pour avoir la vue claire, il faut se rendre compte de ce qu'est le logement à Chartres à cette époque. 38 % des logements chartrains datent d'avant la guerre de 1870. 21 % ont été construits entre 1870 et 1914. 20% n'ont pas d'eau courante dans le logement, 90 % pas de lavabo, 85 % ni douche ni baignoire, et plus de 60 % pas de WC dans le logement.
Ce sont les années 60 qui vont voir le premier boom de l'urbanisation, avec ici la construction du quartier de Beaulieu, dont on mesure mal aujourd'hui combien ses appartements avaient représenté un progrès considérable, notamment du point de vue sanitaire. S'y installèrent ceux qui quittaient la campagne pour venir chercher l'emploi à la ville dans les usines en plein développement, alors que dans le même temps la mécanisation, la concentration des exploitations et le recours intensif aux engrais réduisaient l'emploi agricole jusque-là dominant chez nous. Fin 1963, l'Office gère 2264 logements.
VA : La décennie 70 va faire encore mieux ?
JPG : Alors, on n'arrête pas le progrès… Songez que la France construit chaque année plus de 500 000 logements au confort moderne (à peine le tiers aujourd'hui). Mais ce gigantisme et ses conséquences inquiètent déjà : Olivier Guichard, alors ministre de l'Urbanisme, limite la longueur des grandes barres : pas plus de 3 cages d'escaliers dans chacune d'elles. Et les villes moyennes doivent conserver entre 30 et 50 % de maisons individuelles dans leur habitat.
À Chartres, les années 1970 sont la décennie de La Madeleine. Cette nouvelle ZUP (Zone à urbaniser en priorité) a été lancée en 1968. Elle sera achevée en 1983 avec ses 1 850 logements programmés pour 9 000 habitants. Mais on n'a pas prévu alors que les grands parkings à l'air libre ne seraient pas assez vastes pour accueillir les voitures de toutes ces familles, jusqu'à trois par logement aujourd'hui.
VA : En 2001, vous arrivez aux affaires. Comment avez-vous abordé ce défi gigantesque ?
JPG : Notre équipe avait été élue sur une promesse de modernisation de Chartres. Alors nous avons essayé de prendre les choses par le haut. Nous avons lancé des marchés d'études et de définition, un pour chaque quartier de Chartres. Des urbanistes réfléchissaient, bâtissaient un projet où toutes les facettes de la vie urbaine étaient mises en scène : équipements publics, commerces, écoles, transports, et bien sûr logements.
Ensuite, une fois que nous avons eu sélectionné les projets qui nous paraissaient les meilleurs, il nous a fallu aller convaincre les habitants dont nous allions transformer le cadre de vie. Les convaincre que si nous allions démolir les bâtiments que l'on ne pouvait réhabiliter, ils seraient en tout état de cause les gagnants de l'opération puisque nous allions leur proposer de déménager dans un autre appartement où ils se retrouveraient dans un cadre de vie meilleur que celui qu'ils allaient quitter. Cela a été une discussion appartement par appartement, famille par famille. Nous n'avons contraint personne. C'était pour eux du gagnant/ gagnant. Il fallait faire davantage car à mes yeux, « la plus grande injustice sociale est de passer sa vie dans le logement social. »
Nous avons donc proposé aux locataires des appartements des immeubles qui pouvaient être conservés de les acheter, à un prix qui tenait compte du nombre d'années de loyer qu'ils avaient payés. C'est toujours une bonne opération : tout nouveau propriétaire investit dans son logement et l'améliore. Et l'argent que nous avons retiré de la vente d'un appartement, nous permettait de financer la construction de deux nouveaux logements. En un peu plus de vingt ans, ce sont près de 1 000 familles chartraines qui sont devenues propriétaires. C'est une de mes plus grandes fiertés avec les décisions de créer de très grands appartements pour les familles nombreuses, en réunissant deux appartements mitoyens, du T6 au T10. Le logement social, c'est d'abord s'occuper des gens qui y vivent.
Les immeubles conservés, nous les avons aussi résidentialisés : gardiens, digicodes, ascenseurs, stationnements pour les résidents, conteneurs enterrés pour le dépôt des ordures, des fenêtres changées par milliers pour améliorer l'isolation, etc.
Et puis, nous avons engagé la transformation de Beaulieu, aujourd'hui le quartier des Clos. En commençant par le très beau groupe scolaire Henri IV qui regroupe au même endroit crèche, maternelle et école primaire. Toujours pour faciliter la vie des familles. De même pour les équipements sportifs, le skate-park de l'avenue François Mitterrand, le bâtiment du squash et du badminton, etc. Des immeubles neufs, à taille humaine, aux appartements traversants, avec des commerces et des services en rez-de-chaussée donnant sur des espaces paysagers…Et cette stratégie, nous l'avons appliquée à tous les quartiers, de Rechèvres à Saint-Chéron, des Hauts Saumons aux immeubles des Pastières et aux maisons des Hauts de Chartres, etc.
VA : Et maintenant ? Quels sont les projets en cours ?
JPG : La troisième et dernière tranche de la transformation de l'ancien Beaulieu est engagée. La première tranche de la transformation de La Madeleine est également engagée, car les habitants nous le demandent, convaincus par ce qu'ils ont vu ailleurs.En 2001, Chartres comptait 38 % de logements sociaux, aujourd'hui 27 %. En 2001, Chartres manquait de logements intermédiaires, il y avait peu de chose entre le logement social et le haut de gamme, comme on dit. Avec une conséquence : les logements sociaux manquaient pour ceux qui en avaient véritablement besoin. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Nous voulons donc ré-augmenter la part du logement social dans l'habitat chartrain, jusqu'à 30 % en 2030. Cela me parait nécessaire dans une ville-centre, une ville préfecture, au développement économique incontestable. Et pour être plus précis, nous voulons reconquérir 500 logements sociaux dans le centre historique de Chartres, où il existe environ 1 600 logements vacants dans les immeubles aux étages vides dont les rez-de-chaussée sont occupés par des commerces. Nous voulons voir des enfants courir dans les rues de Chartres. D'une certaine manière, la ville haute va connaître la même transformation que la basse ville il y a vingt ou trente ans, quand ses habitants ont quitté leurs logements vieillissants qui allaient être réaménagés pour aller s'installer notamment dans les nouvelles rues des Hauts de Chartres.
VA : Quel a été le facteur déterminant qui vous a permis de mener à bien cette grande entreprise ?
JPG : D'abord la certitude viscérale que nous devions tenir les engagements que nous avions pris à l'égard de ces Chartrains qui ne comptaient pas parmi les plus favorisés. Deuxièmement, j'ai eu la chance d'être à la fois maire de Chartres et en même temps président du Conseil d'administration de Chartres habitat. Je crois que c'est évidemment le maire qui connaît le mieux les besoins des habitants de sa ville. Il les rencontre, il leur parle, et surtout eux lui parlent.
J'étais dès le début l'autorité organisatrice du logement social dans la ville et c'est ce qui manque aux maires de certaines communes voisines de Chartres. C'Chartres habitat est désormais intercommunal, et géré, comme c'est logique, à l'échelle de Chartres métropole. C'est en effet l'échelle de la vie quotidienne des habitants. C'est leur bassin de vie, si les mots ont un sens.
Et C'Chartres habitat devrait être l'autorité organisatrice du logement social au moins dans l'ensemble de la zone urbaine avec un droit de regard, et même davantage, exercé par le maire de chaque commune membre. La Loi le recommande, et même le préconise. Mais elle n'est pas appliquée. C'Chartres Habitat ne demande pas à être le seul bailleur social sur le territoire de Chartres métropole, mais il est nécessaire que l'Agglomération exerce l'autorité en la matière pour définir où construire et quel type de logement, sous le regard et avec l'aval du maire de la commune concernée.
C'Chartres habitat aujourd'hui : un parc de 6 391 logements
Avec 6 391 logements, C'Chartres habitat est le 1er bailleur de la ville de Chartres.
Le parc immobilier
- 5 860 logements familiaux (5 125 logements collectifs et 735 logements individuels) dont 5 512 à Chartres et 348 hors Chartres.
- 531 équivalents logements répartis au sein de 5 foyers (pour personnes âgées ou en situation de handicap), 3 résidences étudiants et 1 résidence pour jeunes actifs.
Les missions de C'Chartres habitat
- Acquisition et construction des programmes immobiliers adaptés à une demande diversifiée et accessibles au plus grand nombre sur le territoire de l'agglomération.
- Mise en location et gestion des biens.
- Vente de biens dans le cadre de l'accession sociale à la propriété.
- Syndic de copropriétés.
Une offre répondant aux besoins
La priorité de C'Chartres habitat est de proposer des logements de qualité aux loyers raisonnables correspondant aux besoins et attentes d'un large panel d'occupants.
Ces logements s'adressent aussi bien aux ménages aux ressources modestes ou intermédiaires qu'aux jeunes travailleurs, salariés ou cadres moyens qui s'installent, aux étudiants, aux personnes âgées ou à mobilité réduite (avec 3 résidences intergénérationnelles), aux ménages souhaitant accéder à la propriété.
Fonctionnement et gouvernance
C'Chartres habitat est rattaché à Chartres métropole depuis le 1er janvier 2017. Les orientations sont définies par le Conseil d'administration et mises en œuvre par le directeur général au regard du Plan Local de l'Habitat de Chartres métropole.
Président : Jean-Pierre Gorges, président de Chartres métropole.
Vice-présidente : Élisabeth Fromont, vice-présidente de Chartres métropole, déléguée à la politique de l'Habitat.
Directeur général : Samuel Lemercier.
27 membres :
- 6 membres issus du Conseil communautaire de Chartres métropole
- 9 membres choisis en qualité de personnalités qualifiées
- 2 membres représentant les associations d'insertion
- 1 membre représentant la Caisse
- d'Allocations familiales
- 1 membre représentant l'Union Départementale des Associations Familiales
- 1 membre représentant les organismes collecteurs de la participation des employeurs à l'effort de construction
- 2 membres désignés par les organisations syndicales
- 5 membres représentant les locataires